Élection présidentielle américaine 2024 : Joe Biden mène campagne au gré des dynamiques

L’affiche de la présidentielle américaine de 2024 sera donc la même qu’en 2020 : l’actuel président démocrate Joe Biden opposé à l’ancien président républicain Donald Trump. Les deux adversaires ont fait le plein de délégués nécessaires pour être investis aux élections primaires en un temps record, évinçant de facto leurs adversaires. Mais Donald Trump, par sa personnalité clivante et ses ennuis judiciaires, autant que Joe Biden, par son âge et son incapacité à capitaliser sur son bilan, sont loin de remporter l’adhésion de tous les Américains, notamment chez les jeunes électeurs. De ce duel qui se répète, il est surtout possible de pronostiquer une défaite de l’appareil démocratique américain, grand perdant de l’équation électorale. Qu’en pensent les électeurs américains ? À quoi ressemble la campagne jusqu’à maintenant ? Focus sur les dynamiques qui agitent chacun des deux camps : IVG, Justice, entrée en bourse, Gaza…


Troisième article de la série «Élection présidentielle 2024» qui vise à décoder jusqu’en novembre les rouages de la campagne présidentielle américaine : son calendrier, ses enjeux, ses petites et grandes histoires

Aujourd’hui, premier portrait à travers 3 dynamiques de la campagne : de celles qui lui sont favorables à celles qu’il lui faut esquiver, le Président sortant travaille à une position d’équilibre au gré des dynamiques de la campagne



2 sur 2 : Focus sur Donald Trump publié le 12 avril

  • En 2020, un tiers des Américains s’étaient abstenus, et une nette majorité déclarait ne pas vouloir de la répétition du duel Biden-Trump.
  • Plus inquiétant pour le président sortant, il reste devancé par son Trump dans les swing states, les sept Etats susceptibles de faire basculer l’élection, où le candidat républicain est crédité de 40% des intentions de vote contre 37% pour Biden.
  • Une victoire démocrate dépendra donc des résultats de ces états clés

Légende :

Dynamique positive au candidat

Dynamique commune aux deux candidats


Biden jongle avec les dynamiques

De celles qui lui sont favorables à celles qu’il lui faut esquiver, le président candidat travaille à une position d’équilibre au gré des dynamiques de la campagne.

Le 9 mars à Philadelphie en Pennsylvanie, le Président Joe Biden prend la parole au sujet de la loi budgétaire pour l’année 2024 devant un parterres de financiers et d’investisseurs. Chip Somodevilla/Getty Images.

La Floride ou l’espoir de fédérer

Face à un adversaire immodéré, Joe Biden veut faire figure de sagesse. Dans le cadre de son procès pour paiements dissimulés à une actrice de films pornographiques en 2016, Donald Trump vient en effet de se voir imposer des restrictions de parole par le juge de l’État de New-York après avoir émis des publications sur son réseau “Truth Social” attaquant personnellement le magistrat et sa fille. Deux de ses procès en cours ont déjà donné lieu à des sanctions de ce type en protection des “juges, témoins et personnels du Tribunal” selon les termes de l’arrêt. Si le contexte judiciaire emmêle et discrédite la candidature Trump, le président actuel doit travailler à apparaitre comme la seule force évidente, le contrepoids stable et serein face à un adversaire critiqué pour ses attitudes déplacées et ses prises de position jugées irrespectueuses.

Une dynamique favorable qui s’accroit davantage pour le président actuel alors que la Cour Suprême vient de rendre une décision dont les conséquences pourraient avantager son sort électoral. Le 1er avril, le juge suprême américain autorisait la tenue d’un référendum en Floride au jour de l’élection présidentielle visant à modifier la Constitution de Floride pour protéger le droit à l’avortement, après l’avoir accordé dans les États de New-York et du Maryland. En clair, le 5 novembre prochain, les électeurs devront simultanément désigner le prochain président et se prononcer sur l’interruption volontaire de grossesse dans l’État. “Or, jusqu’ici les républicains n’ont connu que des déconvenues lorsque les électeurs ont dû se prononcer sur cette thématique et les démocrates sont parvenus à mobiliser l’électorat.” selon Théo Laubry, consultant pour State. En faisant se déplacer les foules pour défendre le droit à l’avortement, Biden espère ainsi profiter de la dynamique alors que son adversaire conservateur s’oppose farouchement à la constitutionnalisation de ce droit. D’une pierre deux coups : Biden remporte un swing-state stratégique, celui de Floride, tout en mobilisant un électorat qui ne se serait pas déplacé. Un cercle vertueux.


L’électorat américain désavoue le duel Biden-Trump

Manifestation sur Times Square pour protester contre les dérèglements du fonctionnement démocratique américain, le 17 août 2023.

Parler pour parler. Les électeurs aimeraient voir les candidats s’engager sur le coût de la vie, la violence par arme à feu, le changement climatique, l’avortement ou encore la protection de la démocratie. « Les jeunes sont de plus en plus frustrés de voir que leur situation économique ne s’est pas améliorée ces dernières années et que les emplois précaires auxquels ils ont accès ne leur permettent pas d’avoir un salaire décent », indique Kei Kawashima-Ginsberg, directrice du Circle.

Lourd sera le pas pour certains électeurs américains qui iront “voter avec des semelles de plomb” pour Biden en novembre prochain, notamment les plus jeunes électeurs qui craignent un retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Pas d’adhésion à l’égard du Président sortant donc, mais un “vote barrage “, un sursaut selon cette étudiante de l’Université de Pennsylvanie. Ce rapprochement n’est pas sans rappeler la situation électorale française, alors que les dernières élections présidentielles ont vu se répéter un duel électoral, témoin de l’essoufflement démocratique dans l’hexagone. Qui plus est aux États-Unis depuis l’élection de Biden fin 2020, “rien n’a vraiment changé” selon cet étudiant malgré les espoirs. Pas même les candidats. “Les déceptions ont effacé les promesses“, notamment s’agissant de l’annulation d’une partie de la dette étudiante, promesse de campagne du candidat Biden avant ses prises de fonction. Dans le hall du campus, la plupart des étudiants déplorent un choix « entre deux mauvaises options » quand ils sont polis, « merdique » quand ils ne le sont plus.


Le soutien indéfectible de Biden à Israël sanctionné par la “génération Gaza”

Quand la dynamique est dans le rouge, il est temps d’agir. “Une campagne se gagne et se perd sur ce genre de fausses notes” indique un conseiller diplomatique international. Le soutien indéfectible des Etats-Unis à l’Etat hébreu, qui a secoué les facs américaines cet hiver, a révélé une fracture, “notamment générationnelle” chez les démocrates selon Raphaëlle Besse Desmoulières. Toutefois, comme en 2020, les jeunes électeurs seront une force électorale essentielle au renouvellement du mandat de l’actuel président. Lors de la précédente présidentielle américaine, ils étaient environ 50% d’électeurs de moins de 30 ans à s’être déplacés, majoritairement démocrates, soit une participation légèrement plus faible qu’en France où 55% des 18-30 ans s’étaient rendus aux urnes en avril 2022. Ainsi, le soutien de cette génération au candidat démocrate de 81 ans ne se fera pas sans clarification. Les positions du Président Biden au sujet du conflit dans la bande de Gaza sont notamment citées comme “très défavorables” à sa candidature selon les instituts de sondage américains, alors que les manifestations et les appels à un cessez-le-feu permanent abondent de toute part. Le soutien de la Maison Blanche à Israël pourrait dès lors amener de nombreux électeurs à s’abstenir, comme dans le Wisconsin, où certains électeurs démocrates menaçaient de s’abstenir au vote de la primaire qui se tenait le 2 avril.

Manifestation en soutien au peuple palestinien appelant à un cessez-le-feu permanent dans les rues de New-York en février 2024

Un avertissement qui s’est amplifié puis démultiplié la veille du scrutin des primaires après une frappe de l’armée israélienne tuant 7 humanitaires occidentaux dans la bande de Gaza, forçant la réponse du Président Biden. Si ce dernier a remporté sans difficultés l’État du Wisconsin malgré les protestations, le camp démocrate se divise sur sa gestion de la politique étrangère au Moyen-Orient alors que la réaction du chef de l’État indiquait qu’“Israël n’avait pas fait assez pour les protéger (…) indigné, le coeur brisé “, une réponse qui a largement été jugée insuffisante par la classe politique américaine. “Cette rétorque n’est pas celle du dirigeant de la plus grande puissance mondiale” selon un poids lourds démocrate, appelant à un durcissement des relations avec Tel-Aviv. Mais le déclic ne vient pas. Biden poursuit dans cette voie et nuance le caractère intentionnel de la frappe des forces du Tsahal (armées israéliennes). Le porte parole du conseiller à la sécurité du Président John Kirby s’est même accordé sur la position du gouvernement israélien en conférence de presse ce mercredi 3 avril, confirmant en creux l’idée selon laquelle ce genre d’évènements “arrive(nt) dans une guerre“, phrase prononcée par Benjamin Netanyahou.

Tandis que certains manifestent pour les droits palestiniens, cherchant un sens à leur effarement, d’autres campent devant les bureaux de leur sénateur en espérant faire pression au sujet du conflit dans la bande de Gaza, précisément s’agissant des liens du Président Biden avec le Premier ministre israélien. Une manifestante témoigne : “Si l’administration Biden ne nous entend pas sur Gaza, c’est elle qui abandonnerait son électorat“.

Également en cause, un délaissement du débat public américain jugé médiocre, au sujet de Gaza mais aussi de tant d’autres sujets boudés par la campagne. Questionnant un citoyen américain qui a délaissé les urnes depuis Obama, Astead Herndon, journaliste au New York Times interroge : “Participeriez-vous au système électoral si vous pensiez que les candidats parlaient réellement de choses qui affectent votre vie quotidienne?“, réponse cinglante : “Putain ouais.“. Une attente d’autre chose est donc là. Nul doute que le même processus de consultation en France donnerait lieu à des résultats similaires tant le concept démocratique semble souffrir de ces modes de représentation, ici comme Outre-Atlantique.

Crédits :

Raphaëlle Besse Desmoulières, Garance Muñoz (Le Monde Podcast), Astead Herndon (New-York Times)

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Rédacteur de contenus pour l'Équinoxe Journal

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